Si vous avez manquez le début, voici la partie 1. Et devinez quoi? J'ai décidément encore trop de choses à dire sur le mariage gabonais. Il y aura donc une partie 3…
Toute la cérémonie du mariage tourne autour de la négociation de la dote. Celle-ci a en réalité déjà été convenue bien avant en préparation du mariage, mais lors de la cérémonie, on "rejoue" la négociation. Il n'est pas rare que sur le moment, la famille de la femme demande un peu plus que ce qui a été décidé...
Chaque famille se fait face, assise en rang sous deux tonnelles, et habillée d’un pagne distinctif. Elles sont représentées chacune par un homme, souvent un homme important de la famille qui va argumenter, en langue et avec force de jeux de mots, de tournures intelligentes et d’humour, en faveur de sa famille. C’est un exercice qui demande beaucoup d’habileté de langage et une bonne connaissance des proverbes traditionnels. Je vous raconte cela, car c’est ce que l’on m’a dit, mais je vous avoue que n’ai jamais rien compris aux négociations… La barrière de la langue, c’est frustrant surtout quand tout le monde rigole autour de soi. Les compétences de l'orateur sont reconnues et il existe des orateurs professionnels qui peuvent être engagés pour représenter une famille si besoin. Si les familles sont d'ethnies différentes, elles peuvent choisir de s'exprimer en français pour éviter les dialogues de sourd entre deux langues complètement différentes.
La mariée n’est pas présente lors des négociations et celles-ci peuvent durer plusieurs heures. La dote est déposée, d’abord le matériel : marmites, pagnes, machettes, huile, carburant, foulard, costume, alcool, soda (le tout en double, toujours), plus les objets propres à chaque ethnie : enclume, vache, poisson… Ensuite viennent les liasses de billets. La somme débute vers 1 million de francs(ou moins pour les plus pauvres) et peut aller jusqu’à plusieurs millions (pour info 1000000FCFA = 1500€). Chaque billet est présenté à l'assemblée et compté. C’est sur la somme d'argent que la famille de la femme essaye de pousser la négociation. On va mettre en avant les études qu’elle a faites ou les enfants qu’elle a déjà eus. Tout est bon pour gagner 100 ou 200 mille de plus.
Entre chaque déclaration de l'un ou l'autre orateur, ponctuée de "oh" et de "ah" des participants, les membres importants de la famille "adverse" (souvent les plus vieux et les plus influents) s'éloignent pour s'entretenir de l'argument apporté, ou de la demande de la famille de la femme qui réclame plus d'argent. Après le conciliabule, tout le monde revient à sa place et l'orateur, tel un acteur de théâtre, va amener la réponse à force de gestes, d'exclamations, entrainant la foule à ponctuer ses dires.
Anecdote : on m'a raconté un mariage pendant lequel la famille de la mariée a tellement demandé d'argent, encore et encore, au delà de ce qui avait été prévu, que le marié a plié bagage avec la dote. "Puisque c'est comme ça, gardez votre fille, j'en trouverai bien une autre!" J'imagine la tête de la mariée quand on est venue la chercher pour lui annoncer la fin des négociations, mais pas dans le bon sens!
Quand les deux familles sont satisfaites, on va chercher la mariée (encore une occasion de récupérer des billets pour la famille de la femme : il faut bien de l’argent pour payer le taxi! Et attention, le taxi peut se perdre en route...). La femme est amenée au centre de l'assemblée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un petit jeu dans lequel elle est dissimulée parmi d'autres femmes et son mari doit la reconnaitre. Elle est habillée d'une tenue mêlant le pagne de sa famille, du rafia et des coquillages. Elle peut porter un petit panier en osier et une sorte de petit hochet en rafia. Elle a une belle coiffure, parée là aussi de rafia et de coquillages et elle porte des bracelets aux poignets et aux chevilles.
La mariée prend l’argent de la dote, et en effectuant une danse, elle va le donner à son père en signe d’acceptation (cf. deuxième et troisième photo ci-dessus). Elle peut s’amuser à faire peur à son fiancé en faisant mine de se diriger vers lui pour lui rendre l’argent, ce qui signifierait qu'elle refuse le mariage (cf. première photo ci-dessus). Quand le père accepte l’argent, la femme va s’assoir sur les genoux de son beau-père et l’homme sur les genoux de sa belle-mère. Ca y est, ils sont mariés!!! La mariée repart se changer. Elle reviendra portant une deuxième superbe tenue avec le pagne de la famille du marié. Le couple est maintenant assorti. Les gens peuvent à ce moment aller manger et boire. C’est la famille de la mariée qui régale! Les femmes ont passé la matinée et une bonne partie de l'après-midi à cuisiner. Un mariage réussi est un mariage pendant lequel on a bu et mangé à satiété!
Remarque : dans le mariage qui me sert d’illustration, la mariée a accepté l’argent et le couple est allé se changer pour être habillé d’un pagne qui leur est propre à eux deux seuls. Ensuite, c’est ensemble qu’ils sont allés présenter l’argent au père de la mariée. Il y a des petites différences entre les mariages et je ne saurai dire si cette différence-là vient de la manière de faire des fangs (ethnie des deux familles pour ce mariage), ou si c’était quelque chose de particulier à cette cérémonie. C’est le seul mariage fang auquel j’ai assisté. Les autres étaient punus et procédaient comme je l’ai raconté.
Photo bonus : moi dans ma tenue d’invitée au mariage! C’était il y a 3 ans, à mes tous débuts au Gabon.
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